Le secret...
Attention, je vais parler du film « Le secret de Brokeback Mountain » de manière trop précise pour ceux qui ne l’ont pas vu… Si vous avez l’intention de le voir, ne gâchez pas votre plaisir : ne lisez pas ceci !
Je pourrais vous faire croire que je n’ai pas pleuré, mais j’avais des larmes plein les yeux quand la lumière s’est rallumée (et mon voisin s’était ratatiné dans son fauteuil et reniflait depuis plus d’une demi heure) ;
Je pourrais vous faire croire que j’ai passé ensuite une soirée enjouée, mais je me suis couché triste
Je pourrais vous faire croire que je n’ai pas aimé ce film, mais je m’achèterai le DVD quand il sortira.
En fait, c’est mon voisin ratatiné dans son fauteuil qui a parfaitement résumé ceci : « c’est vraiment un film de tapettes ». Un film pour les tapettes comme moi qui sont fleur bleue à un point incroyable, pour celles qui croient au prince charmant, qui l’attendent même… Un film pour tout ceux qui croient aux histoires d’amour.
Si jamais vous n’avez pas entendu parler de ce film, voici un rapide aperçu.
Jack et Ennis sont deux cowboys d’une vingtaine d’année quand ils se rencontrent. Ils doivent garder un troupeau de moutons pendant toute la saison dans les hauteurs reculées et isolées de Brokeback Mountain. Ils ne passent que peu de temps ensemble, mais naît entre eux une complicité. A la faveur d’une soirée froide et alcoolisée, Jack se donne à Ennis. Et leur histoire devient une histoire d’amour. On voit se transformer les deux jeunes gens. Ils étaient tellement dures, secs, ils deviennent de vrais enfants se courant après, chahutant. Et puis la fin de la saison arrive, ils se séparent. La séparation est assez pudique bien que les deux souffrent et pleurent.
La vie les rattrape. Ennis se marie, fait des enfants. Jack tourne un peu dans les bars, essaie bien d’offrir des bières aux garçons, mais rencontre une femme qu’il va épouser. Et puis un jour, Jack écrit à Ennis. Et ils se revoient. La morosité de leur quotidien depuis quatre ans contraste avec leurs retrouvailles. La scène est d’ailleurs assez forte, et leurs baisers passionnés. La suite pourrait se résumer assez rapidement : leur liaison secrète va durer 20 ans, au rythme des saisons. Jusqu’à…
La fin est très triste, prévoyez des mouchoirs…
Je dois avouer que j’appréhendais beaucoup d’aller voir ce film… Je savais qu’il allait être triste, et je n’ai pas forcement besoin de ça en ce moment. En fait, je dirais que ça a été « moins pire » que ce à quoi je m’attendais… Tout d’abord, et c’est vraiment une impression très forte, le film est assez pudique et assez soft. On pouvait s’attendre à des tonnes de sentiments dégoulinants, des tonnes de violons aux « bons » moments, et il y avait matière à faire pleurer cent fois plus. Le moment où les deux jeunes se quittent pour la première fois, la scène est triste, mais tout à fait supportable. Tout à la fin, quand on apprend la mort de Jack, qu’on comprend comme Ennis qu’il a sans doute été battu à mort parce que « ça » se voyait un peu trop, les gorges sont nouées, mais Ennis n’éclate pas en sanglots bruyants, pas un gramme de violons. Quand Ennis découvre sa propre chemise parmi les affaires de Jack, qu’il enfouit son visage dans la veste que Jack portait à Brokeback Mountain, là encore, la scène aurait pû être cent fois pire.
Je ne peux pas m’empêcher de me poser une question… Mais quelle image ce film véhicule de l’homosexualité ? On a deux personnages homos. L’un, Ennis, lutte, n’aura la moindre histoire de cul ou d’amour que celle avec Jack, bien au secret de Brokeback Mountain. L’autre, Jack, souhaite plus que tout vivre avec Ennis, drague dans les bars, va se taper des mecs au Mexique. Et à la fin, y en a un qui meurt. Lequel ? Celui qui « assumait » plus son homosexualité. La morale de ce film est-elle : pour vivre (tout court ; sinon, on te tue), ne montre pas que tu es pédé. Ca ressemble un peu à ces films des années 80-90 : un bon pédé est un pédé séropo qui meurt à la fin. Ang Lee n’a pas vu les films plus récents dans lesquels l’homosexualité est traitée de manière plus légère.
Je me demande si « Brokeback Mountain » n’est pas un film homophobe.
Je voulais que cette phrase soit la dernière de mon texte, mais je me pose plus de questions encore. Pourquoi ce film m’a fait pleuré, pourquoi j’ai été touché par cette histoire ? Ne serais-je pas un peu maso ? Les gens qui me connaissent savent peut-être mon malaise par rapport à ma propre homosexualité. Je suis un peu comme Ennis. Et il est probable que si j’avais vécu quelques dizaines d’années plus tôt, je me serais marié, aurait eu des enfants. Ennis vieillissant se coupe un peu de tout. Il ne voit son amant que 4 fois par an, fini par divorcer, s’installe dans un ranch improbablement reculé puis dans une caravane. Il y a une partie de moi qui est comme ça. Mon ranch reculé, c’est ma chambre de bonne au 6ème étage. Moi aussi je suis capable par moments (heureusement, seulement par moments !) de me couper de tout. Je crois que c’est cet aspect du film qui a fait écho en moi. Et vous qui avez aimé, avez vous trouvé pourquoi ?
L'avis de Télérama,
Celui de Kang,
Des extraits de dialogues (en VO), (la dernière réplique du film est : «Jack, I swear...»)