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yoadr [iôdr]
3 avril 2005

Lectures volées

Les trajets en métro sont souvent longs, monotones, ennuyeux… Beaucoup de gens ont trouvé une bonne solution pour passer ces moments agréablement : ils lisent. Armés de leur livre, de poche le plus souvent, ils sont assis confortablement le long d’une fenêtre pour les longs trajets, luttent contre les cahots en se tenant d’une main à la barre aux heures de pointe… Regardez mieux la prochaine fois que vous prendrez le métro, vous verrez qu’ils sont nombreux les heureux qui échappent à la grisaille et à la tristesse de cette façon !

Pour ma part, je ne prends jamais de livre dans le métro. Non. J’ai trouvé une excellente façon de passer le temps : je lis le livre des autres. Plus ou moins discrètement, je penche ma tête par dessus leur épaule pour voler quelques lignes de leur livre. Jamais je ne lis le journal des gens. Non, la vraie vie ne m’intéresse pas. Seules les fictions retiennent mon attention. Les gens lisent de tout : des romans sentimentaux, des romans historiques, des histoires policières, des fictions modernes, des histoires de science fiction…

Quand j’entre dans une rame de métro, je balaye du regard l’ensemble des gens qui s’y trouvent à la recherche de ceux qui lisent. Je me rapproche alors et commence ma lecture. Il y a des heures moins favorables. Aux heures de pointe par exemple, le métro est tellement bondé qu’il m’est souvent impossible de me déplacer pour m’approcher de ma cible. J’évite ces moments pour être sûr d’arriver à lire au moins quelques lignes du livre d’un autre. Et si jamais je ne trouve rien, je sors du métro et attends le prochain. Il m’arrive même de changer d’itinéraire, de revenir en arrière parce que la chasse est particulièrement mauvaise…

N’allez pas croire à ce comportement que c’est la quantité qui compte. Non. Au contraire, je préfère n’arriver à lire que quelques lignes d’un livre. Ces très courts extraits volés font bien plus travailler mon imagination que la lecture d’un paragraphe entier. Et si au cour d’un trajet je lis plusieurs extraits, ces histoires se mélangent et n’en forment plus qu’une seule finalement.

« Je devais embarquer sur ce bateau dans la journée. Arrivé plusieurs heures en avance, traînant sur le port, j’avais tout loisir pour l’admirer. Quel bâtiment magnifique ! Sa taille surpasse tout ce qui se fait de nos jours. Il est capable de prendre à son bord plus de 4000 passagers sans compter les hommes de bord. Sa vitesse de croisière elle aussi est sans rivale. Il file par tous les temps à plus de 10 nœuds sans que les passagers n’aient la moindre conscience de cette vitesse extraordinaire. Le confort à bord est sans égal. Des classes les plus économiques aux cabines les plus luxueuses, tous les détails ont été pensés pour la plus grande fonctionnalité et la plus grande beauté. J’avais peine à croire que j’allais monter à son bord pour ce voyage qui devait me ramener vers mon passé. » [1]

« L’atterrissage sur l’objet inconnu en orbite autour de la Terre depuis 5 jours se déroula sans problème. Le Capitaine donna ses instructions à tous les membres de l’équipage. Le lieutenant Mark faisait bien entendu partie de l’équipe qui devait débarquer et explorer ce qui semblait un vaisseau intersidéral. » [2]

« Sonia la belle Russe avançait vers moi avec son air faussement innocent. Elle était belle à se damner et elle le savait. Pas un homme la connaissant n’étais pas amoureux d’elle en secret. Elle me provoquait et j’allais devenir fou… »

« Mon réveil est bien dur ; la gueule de bois… Il y a une femme à coté de moi dans mon lit et j’ai du mal à me souvenir qui elle est… Voyons… Je suis sorti hier dans ce bar. J’ai commencé à boire… Ensuite, je crois que je suis allé dans cette boite à strip-tease. J’ai continué à boire. Et c’est là bas que j’ai du rencontrer cette femme. Mais qui est-elle ? Je la regarde dormir. Elle n’est pas très belle… La pénombre de la boite à du jouer en sa faveur cette nuit. Son maquillage déborde de ses lèvres, ses yeux sont noirs de mascara… »

Si vous croisez un homme penché par dessus l’épaule d’un lecteur dans le métro, avec un sourire jusqu’aux oreilles, c’est sans doute moi…


[1] : Inspiré par la première page d’un roman de Jules Vernes (Une ville flottante, tiré de son voyage sur le plus grand paquebot de l'époque, le Great Eastern) dont j’ai eu la chance de lire le manuscrit autographe à l’expo Jules Vernes du Musée de la Marine en ce moment à Paris (et jusqu'au 31 août 2005).
[2] : Je pense à un roman de Arthur C. Clarke, Rendez-vous avec Rama.

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Commentaires
P
... et moi qui ne lit que le journal dans le métro.... Et quand je l'ai terminé, je regarde les gens.... Je ne sentirais donc jamais ton regard sur mon épaule !!
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